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Les pièges américains à éviter dans le programme d’alimentation scolaire canadien

par Jan Poppendieck, Senior Fellow au CUNY Food Policy Institute et autrice de Free For All : Fixing School Food in America


Le Canada ne dispose pas d'un programme national d'alimentation scolaire. Au lieu de cela, certains élèves de certaines écoles sont nourris par un ensemble de programmes disparates, financés par des contributions provinciales, municipales et privées. Certains de ces programmes sont également fortement tributaires des dons alimentaires des commerçants et des commandites de l'industrie, si bien que les collations et les produits de longue conservation ont une place prédominante dans l'alimentation de ces élèves.


Alors que le Canada s'apprête à rejoindre les autres pays du G7 et la majorité des pays du monde en se dotant d'un programme national d'alimentation scolaire, il est opportun d'examiner les enseignements tirés des autres programmes d'alimentation scolaire. J'ai passé des décennies à étudier le programme de repas scolaires des États-Unis et j'ai été intrigué par la possibilité qu'a le Canada de concevoir un programme en s'inspirant des leçons tirées des États-Unis.


Après avoir réussi en 2017 à obtenir la gratuité universelle des repas scolaires pour 1,1 million d'élèves des écoles publiques de la ville de New York, et en raison de mon livre Free For All : Fixing School Food in America, des militants canadiens de l'alimentation au sein de la Coalition pour une saine alimentation scolaire m'ont demandé de participer à un forum public pour plaider en faveur d'un programme national d'alimentation scolaire, conformément à la résolution du sénateur Art Eggleton au Sénat canadien qui appelle à la mise en place d'un programme national d'alimentation pour les jeunes.


Le 15 août 2018, l'ancien maire de Toronto, le sénateur Eggleton, participait à la réunion stratégique Getting to Yes : National Nutrition Programs for Children and Youth (Vers un oui : Programmes nationaux de nutrition pour les enfants et les jeunes). À cette occasion, le sénateur Eggleton a expliqué que sa résolution était une mesure visant à promouvoir la santé et l'éducation des jeunes Canadien.nes, après quoi moi-même, le conseiller municipal de Toronto, Joe Mihevc, et des représentants de la Coalition pour une saine alimentation scolaire et d'autres organisations impliquées dans les programmes alimentaires scolaires ont fait des commentaires plus brefs. Ces présentations ont démontré la nécessité pour le gouvernement fédéral de s'impliquer dans le financement d'un programme universel d'alimentation scolaire à coûts partagés pour tous les enfants du Canada.

On m'a posé la question suivante : Si vous aviez la possibilité d'aider à concevoir un programme national d'alimentation scolaire qui éviterait les écueils qui ont entravé le fonctionnement des programmes aux États-Unis, que recommanderiez-vous ?

Voici la réponse que j'ai donnée ce jour-là, en 2018, dans mes “Cinq minutes de conseils gratuits”. J'espère et je pense que cette réponse reste également pertinente dans le climat d'aujourd'hui.

1. Le cadre. La Coalition pour une saine alimentation scolaire a tout à fait raison de présenter ce sujet comme une mesure en faveur de la santé, de l'apprentissage et du développement de la communauté. NE l'APPELLEZ PAS LA FAIM. Les effets positifs des programmes alimentaires scolaires sur la santé des enfants sont clairs et ont été bien résumés. Il est prouvé que ces programmes améliorent la capacité d'apprentissage des enfants. Manger est un acte intime, et un programme d'alimentation scolaire bien conçu peut rassembler les élèves et favoriser la création d'une communauté. Pensez aux camps d'été.

2. L'universalité est essentielle. Le Canada doit éviter de recourir à l'examen des ressources, tel qu'il est utilisé aux États-Unis pour déterminer le revenu de la famille d'un étudiant avant qu'il ne puisse bénéficier de repas gratuits, et de cibler de façon visible les jeunes qui ont grandi dans des ménages à faible revenu. L'examen des ressources est souvent défendu comme étant "efficace", mais il est en fait profondément inefficace, car il génère d'énormes quantités de paperasse et de documentation. L'examen des ressources n'a pas sa place dans les écoles publiques et autres programmes pour la jeunesse, car il empoisonne le programme. Lorsque les enfants atteignent l'âge de la pré-adolescence, ils commencent à prendre conscience des distinctions socio-économiques. Si le programme est identifié comme étant destiné aux pauvres, même les jeunes en situation de pauvreté y renonceront ou mangeront des repas imprégnés de honte.

3. Écouter les personnes les plus concernées. J'ai été heureuse de voir que vous proposiez un processus consultatif pour l'élaboration d'un programme d'alimentation scolaire, mais la consultation des parents, des élèves, des enseignant.es, des directeurs et directrices d'école et des employé.es des cafétérias doit être intégrée non seulement dans la phase de conception, mais aussi dans les phases continues de mise en œuvre et d'évaluation.

4. Les normes nutritionnelles. La nécessité d'une consultation permanente a des répercussions sur les normes nutritionnelles. L'industrie fera probablement pression en faveur d'une approche unique, mais le Canada est un très grand pays avec de nombreuses traditions et réalités écologiques différentes. Ce qui peut être d'origine locale, produit de manière durable et contribuer à la force de l'économie locale variera certainement. Les bars à salades fonctionnent bien à New York et superbement en Californie, mais pas en Alaska. Il convient donc de choisir des normes, mais de permettre des solutions propres à chaque communauté dans le cadre de ces normes nutritionnelles générales.

5. La planification des menus. La nutrition n'est qu'un des facteurs qui influencent le menu. L'école dispose-t-elle d'une pièce ou d'une cafétéria suffisamment grande pour accueillir les élèves ? Si ce n'est pas le cas, l'école aura besoin d'un menu avec des produits qui peuvent être facilement consommés dans les salles de classe (c.-à-d. "à prendre et à emporter"). Les bars à salades sont parfaits, mais ils prennent du temps. Il faudrait que l'heure du lunch soit assez longue pour les accommoder.

6. L'approvisionnement. Les États-Unis ont commis une grave erreur en exigeant l'offre la plus basse pour les produits vendus dans le cadre des programmes alimentaires scolaires. Nous commençons seulement à être en mesure de prendre en compte la durabilité, les pratiques de travail équitables et l'économie locale dans nos achats.

7. Le rôle des élèves. Le programme de restauration scolaire que j'ai toujours préféré est celui de l'école primaire Pacific à Davenport, en Californie. Les élèves de cinquième année préparent le repas ; les élèves de quatrième année dressent les tables et les décorent avec des fleurs provenant du jardin de l'école. Il est important de considérer les repas scolaires comme des activités à l'échelle de l'école, dans lesquelles les élèves peuvent s'impliquer.

8. Travailler dans le secteur de l'alimentation scolaire. Les emplois dans le domaine de l'alimentation scolaire doivent être de " bons emplois ", c'est-à-dire des emplois qui favorisent la santé et le bien-être des travailleurs, notamment en leur offrant un salaire décent et des avantages sociaux complets, et qui peuvent déboucher sur des carrières fructueuses.

J'ai été ravie de lire une citation de l'honorable Karina Gould, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, à propos de la consultation de son gouvernement sur la création d'une politique nationale d'alimentation scolaire : "Nous savons qu'une approche pancanadienne de l'alimentation scolaire peut améliorer la santé globale de nos enfants pendant qu'ils apprennent, ce qui se traduira par un meilleur avenir pour eux et pour le Canada." Chaque enfant devrait avoir accès aux aliments sains dont il a besoin pour grandir et apprendre. Espérons que le gouvernement canadien tirera les leçons de l'expérience négative des programmes stigmatisés aux États-Unis lorsqu'il élaborera un programme national d'alimentation scolaire pour le pays.

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