La Coalition pour une saine alimentation scolaire a organisé deux webinaires lors de l'événement Cultiver le changement du Réseau pour une alimentation durable en novembre 2020. Vous pouvez regarder ou écouter la première séance du 13 novembre ici. Cette discussion a porté sur la façon d'intégrer les principes antiracistes dans les programmes d'alimentation scolaire, avec la participation de panélistes engagés, qui ont partagé leurs expériences concernant les programmes d’alimentation scolaire, les jardins scolaires et les programmes d'éducation alimentaire dans les écoles.
La session était animée par Colin Dring, candidat au doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique avec :
Utcha Sawyers, directrice générale du East Scarborough Boys and Girls Club
Shiba Anjum, coordinatrice bénévole du bar à salades de l'école publique d’Oakwood
Suman Roy, directeur général de Meal Exchange
Ekow Stone, coordinateur de l'engagement des jeunes en milieu scolaire auprès de FoodShare Toronto
Wendie Wilson, éducatrice et co-fondatrice à African Nova Scotian Freedom School
Colin a commencé par rappeler aux participants que le racisme est souvent considéré de manière simpliste, comme un phénomène explicite de haine ; pourtant, pour beaucoup, il a évolué pour inclure dans sa définition des sentiments d'évitement et de malaise ; et aussi, qu'un préjugé racial implicite a un impact sur notre compréhension, nos actions et nos décisions collectives.
Tout en explorant les principes guidant le travail de la lutte contre le racisme dans les programmes d'alimentation scolaire, Colin a proposé de garder la définition suivante à l'esprit :
L'antiracisme est le processus actif d'identification et d'élimination du racisme par le changement des systèmes, des structures organisationnelles, des politiques et des pratiques, ainsi que des attitudes, de sorte que le pouvoir soit fondamentalement redistribué et partagé équitablement.
Utcha Sawyers, directrice générale du East Scarborough Boys and Girls Club | 00:9:18 (minute où la présentation début dans l'enregistrement)
Utcha commence par résumer le travail qu'elle a effectué au cours des vingt dernières années autour de l'antiracisme, de la sécurité et de la justice alimentaire. Ce travail comprend la fondation d'une école centrée sur l'Afrique à Toronto et, depuis trois ans, la direction du East Scarborough Boys and Girls Club (ESBGC) en tant que directrice générale. Tout en soulignant les taux plus élevés d'insécurité alimentaire parmi les populations noires et autochtones, plus encore pendant la COVID-19, Utcha dit qu'elle s'est fixée comme objectif, il y a des années, de reconnaître et de démanteler le racisme ancré dans nos structures sociales.
Utcha a ensuite expliqué certaines manières qui permettent à l'ESBGC de faire ce travail : le Club a mis au point une cuisine pour offrir un enseignement sur l'alimentation en mettant l'accent sur les aliments culturellement appropriés. Dans leur communauté, la population prédominante de jeunes qui sont les plus marginalisés sont les jeunes noirs et autochtones, et comme 60% des jeunes autochtones sont également noirs, le Club s’est penché sur les façons de rassembler la culture afin de soutenir les besoins en sécurité alimentaire des enfants. Ils ont établi une ligne directrice en matière de politique alimentaire pour structurer l’alimentation et ont acquis un nouveau bâtiment qui servira de laboratoire de développement culinaire pour les jeunes, où ils oeuvreront à démanteler l'oppression ancrée et intériorisée à laquelle les jeunes Noirs et autochtones ont été confrontés historiquement en matière d'agriculture et d'accès à la nourriture.
« Lorsque nous nous intéressons aux enfants dans les espaces scolaires, et à la manière dont nous pouvons créer des espaces plus intégrés qui reflètent les compétences culturelles des enfants accueillis, je pense qu'il est important de nous assurer que la communauté soit présente à la table dès le début », dit Utcha. « Tout le monde saura, en travaillant avec moi au fil des années, qu'il est très important que nous puissions avoir la parole ».
Utcha a souligné la nécessité de disposer de processus inclusifs et que bien qu’un changement de politique soit nécessaire, le travail quotidien qui est à faire par rapport à l'antiracisme, est un travail constant au niveau personnel et collectif.
Shiba Anjum, coordinatrice bénévole du bar à salades de l'école publique d’Oakwood | 00:22:00
Shiba a donné un aperçu du programme de bar à salades de l'école publique d’Oakwood, duquel elle est la coordinatrice bénévole. Ce programme de bar à salades de la ferme à l'école a pour but de susciter l'intérêt des enfants et des jeunes et d'accroître l’accès à une alimentation saine. Si un dîner coûte 3 dollars par élève, l'école peut alors parrainer 25 à 35 élèves. La gentrification de leur communauté entraîne une augmentation des disparités entre les élèves qui fréquentent l'école, note Shiba.
Dans une présentation de diapositives, Shiba a expliqué comment son école répond aux besoins des enfants racisés : s'adapter, inclure, reconnaître et établir des liens. Le programme de bar à salades a tenu compte des restrictions alimentaires culturelles, en offrant à chaque élève des options halal, par exemple. Le programme comprend également une variété de repas avec une diversité culturelle, que les élèves ont beaucoup apprécié. Le programme reconnaît les traditions religieuses et les célébrations culturelles à travers la nourriture (par exemple, la célébration du Nouvel An chinois), et permet de relier diverses traditions culturelles au programme d'étude (le coordinateur du programme de petit-déjeuner a travaillé avec certains enseignants pour inviter les parents dans la classe afin de partager des informations sur les traditions culturelles).
Vers la fin de sa présentation, Mme Anjum a souligné l'importance de la participation des parents et de la communauté, en citant que « on ne sait pas ce que l'on ne sait pas ». Shiba est par exemple devenue elle-même « l'experte interne » en matière d'aliments halal, apportant ce savoir à la communauté scolaire. Les relations et les liens enrichissent véritablement ces programmes, tout en enseignant l'inclusion.
Suman Roy, directeur général de Meal Exchange | 00:30.40
Suman a fait entendre la voix des établissements d'enseignement supérieur en tant que directeur général de Meal Exchange, une organisation caritative qui s'efforce d'améliorer l'accès à une alimentation de qualité sur les campus du pays. Parmi plusieurs autres initiatives, Meal Exchange gère un programme de saine alimentation sur les campus, un cercle d'apprentissage de la justice alimentaire et l’organisation en est également aux premières étapes pour travailler avec Santé Canada pour une évaluation du Guide alimentaire canadien.
M. Suman constate que les derniers changements apportés au guide alimentaire constituent un progrès, mais il affirme que celui-ci ne reflète pas la diversité culturelle du Canada. Meal Exchange se retrouve encore à devoir insister pour préconiser des options halal dans certaines cafétérias, ce qui pour lui constitue un problème. Le Guide alimentaire canadien fait l'objet d'une discussion plus approfondie dans le cadre des questions-réponses, où Mme Utcha a également indiqué que nous devons veiller à ce que chaque outil d'apprentissage, y compris le guide alimentaire, soit culturellement adapté, réfléchi et efficace.
En ce qui concerne l'intégration des principes antiracistes, le message clé de Suman était de « se concentrer sur les changements systématiques et non pas seulement sur la forme symbolique ». Nous avons besoin de changements plus significatifs de la part des dirigeants et des décideurs.
Ekow Stone, coordinateur de l'engagement des jeunes en milieu scolaire avec FoodShare Toronto| 00:36:50
En tant que coordinateur de l'engagement des jeunes en milieu scolaire pour FoodShare Toronto, Ekow a donné un aperçu du programme School Grown de FoodShare, qui offre aux étudiants de Toronto de nombreuses possibilités d'éducation alimentaire expérientielle, ainsi que des opportunités d'emploi, tout en mettant en avant les questions de justice alimentaire. En général, leurs programmes visent à accroître l'accès à une saine alimentation et à donner aux étudiants les moyens de cultiver leur propre nourriture, tout en analysant les systèmes de discrimination qui peuvent empêcher les gens d'accéder à une nourriture culturellement appropriée.
Il s'agit essentiellement de programmes d’anti-oppression et antiracistes, explique M. Ekow, avant de souligner l'immense complexité de l'intégration de principes antiracistes dans des institutions où « le racisme est en quelque sorte l'océan dans lequel elles baignent. »
Ekow décrit School Grown comme un sanctuaire contre le racisme qui pourrait exister ailleurs dans les systèmes scolaires.
« Non seulement les valeurs antiracistes sont au cœur de School Grown, mais ce n'est pas seulement de l'antiracisme : c'est aussi pro-Noir, pro-Autochtone, pro-Queer », partage Ekow. « Nous réservons un espace aux jeunes avec lesquels nous travaillons, qui pourraient, au cours de leur vécu au sein du système scolaire ou sur le marché du travail, trouver que les aspects de leur expérience personnelle concernant leur identité sont réprimés ou rejetés ou qu'ils doivent suivre une orientation déterminée, et nous offrons un véritable espace en encourageant le développement, l'engagement et l'éducation des jeunes par le biais de l'alimentation. »
Wendie Wilson, co-fondatrice et éducatrice à l’African Nova Scotian Freedom School | 00:46:30
En tant que co-fondatrice et éducatrice à l'African Nova Scotian Freedom School, Wendie a apporté la perspective d'une éducatrice d'école publique, qui sait à quel point une alimentation équilibrée peut affecter la réussite émotionnelle, physique, cognitive, mentale et scolaire des enfants.
Wendie a souligné comment l'absence d'un programme d'alimentation scolaire collectif entraîne une consommation accrue d'aliments malsains et hautement transformés qui sont pauvres en nutriments, ce qui a un réel effet sur la santé des élèves, en particulier des élèves plus vulnérables.
« L'absence de programmes d'alimentation scolaire est problématique en soi, elle est ancrée dans le racisme et fortement désavantageuse, » exprime Wendie.
L'accès à une alimentation saine joue un rôle dans le problème de la disparité des résultats scolaires, nous rappelle Mme Wilson, et si un programme de saine alimentation scolaire ne comble pas totalement cet écart, il le réduira certainement. Et encore mieux si ces programmes peuvent être étendus à l'ensemble de la communauté.
Colin Dring, candidat au doctorat, Université de Colombie-Britannique | 00:50:50
Avant de passer à la partie questions-réponses de cette séance, Colin a résumé sa thèse de doctorat, qui porte sur la planification des systèmes alimentaires et qui s'inspire fortement des travaux sur la justice et la souveraineté alimentaires. L'équipe de Colin s'est penchée sur le rôle de l'université dans le soutien aux initiatives éducatives visant à prendre en charge les processus antiracistes et décoloniaux dans leurs espaces respectifs.
En travaillant avec les conseils de politique alimentaire, l'équipe de Colin a défini quatre grands principes d'inclusion culturelle :
Transparence
Définir l'inclusion culturelle et les objectifs antiracistes
Rendre publics les modes de participation et de prise de décision
Réflexivité
Comprendre comment la positionnalité façonne les priorités
S'intéresser activement au rôle de la race, du pouvoir et de l'oppression structurelle et à leur relation avec l'inclusion culturelle
Pratique sociale et émotionnelle
Intégrer une approche de la pratique alimentaire scolaire axée sur la compassion et la guérison
Assurer la dissidence et les contre-narratives
Accessibilité
Trouver différents espaces pour travailler, et
Surtout, rechercher activement et établir des relations
Colin a également exposé les principes de l'éducation antiraciste :
Identifier ou rendre visible l'oppression systémique
Se préparer à faire le travail
Transformer les inégalités structurelles et systémiques.
Fondamentalement, ce que nous abordons ici, explique Colin, c'est la culture de la suprématie blanche, qui a pour effet de maintenir la blanchitude au cœur des débats (par exemple quel type de nourriture est bon ou mauvais) et de renforcer l'inégalité raciale systématique.
La dernière demi-heure s'est transformée en une séance de questions-réponses, au cours de laquelle les panélistes ont discuté de la manière dont nous pouvons faire avancer et prioriser ce travail, en partageant des réflexions telles que : la nécessité de comprendre les compétences et les capacités culturelles de l’institution à laquelle on est rattaché, la responsabilisation des personnes au pouvoir, une redistribution des ressources et du soutien, en laissant plus de place à la table aux voix marginalisées, et que chacun fasse sa part.
« Il ne nous incombe pas seulement de nous faire entendre », exprime Shiba, « il incombe aussi à nos alliés qu'ils soient nos alliés et qu'ils soient capables d'écouter quand nous parlons ».
Nous remercions vivement Colin Dring, Utcha Sawyers, Shiba Anjum, Suman Roy, Ekow Stone et Wendie Wilson d’avoir partagé avec nous leurs connaissances et leur expérience sur ce sujet crucial. Ce texte a fait part de brefs résumés de certains des enseignements importants qui ont été partagés - vous pouvez visionner l'enregistrement vidéo complet ici.
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